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Après l’annonce du confinement, le gouvernement a immédiatement rassuré les entreprises et leur salariés en réformant profondément le dispositif du chômage partiel appelé aussi chômage technique. Dans le code du travail, il prend le nom d’activité partielle et ne doit pas être confondu avec le temps de travail partiel. L’exécutif a voulu tirer la leçon de nos voisins allemands qui après la crise financière des subprimes de 2008 s’étaient vite redressés en recourant massivement au chômage partiel tandis que la France voyait grimper sa courbe du chômage en priorisant les licenciements économiques sur le chômage partiel.

Or, selon les économistes seule l’activité partielle est de nature à protéger l’emploi en sauvegardant les compétences quand le chômage les détruit.

Placés en activité partielle, les salariés conservent leur emploi ; leur contrat de travail est suspendu au maximum durant 1000 heures réparties sur une durée maximale de 12 mois.

Ainsi fortement médiatisée comme l’antidote du licenciement économique , l’activité partielle pourrait s’avérer une redoutable île de la tentation pour certaines entreprises peu attentives aux conditions d’éligibilité.

Explications : non le covid-19 ne suffit pas à motiver à lui seul une demande sur le portail dédié https : //activitépartielle.emploi.gouv.fr

Oui l’épidémie covid-19 répond bien au critère de «circonstance de caractère exceptionnel».

Mais encore …. Il ne faut pas oublier que l’exigence légale de baisse d’activité énoncée sous l’article R5122-1 du code du travail demeure.

La plus grande rigueur est donc requise pour expliquer en quoi le covid-19 entraîne une baisse temporaire d’activité. C’est bien l’appréciation de ce lien de causalité qui détermine l’éligibilité au graal de l’activité partielle.

Rappelons en effet que les entreprises ne subissent aucun reste à charge pour leurs salariés dont la rémunération mensuelle brute ne dépasse pas 4.5 SMIC. Prenons l’exemple d’une entreprise qui réalise des études financières et dont la grande majorité des postes de travail avaient avant le confinement déjà été aménagés en télétravail. Il va sans dire qu’elle ne pourra solliciter à compter du 26 mars l’activité partielle que si elle est en capacité de démontrer que le coronavirus fait baisser son activité faute pour l’équipe commerciale de se rendre chez des prospects ou clients du fait des annulations de rendez-vous pour risques sanitaires. Toutefois l’impact de la charge de travail sur les analystes télétravailleurs risque d’être décalé.

Il convient donc de se référer nécessairement à des évènements conjoncturels directement induits par le coronavirus surtout si l’entreprise avait déjà mis en place le télétravail.

Dans ce cas sur les postes télétravaillés, seule une baisse significative, des flux habituels d’activité sera opérante.

Il sera alors très pertinent de s’inspirer des indicateurs économiques fournis par l’article L1233-3 du code du travail en matière de licenciement économique pour mesurer à périmètre constant l’évolution significative durant la période de confinement avec l’année N-1 s’agissant de l’EBE, du CA, du carnet de commandes ou de la trésorerie.

En tout état de cause la mise en activité partielle de ses salariés ne doit pas avoir pour objet d’éponger quelques difficultés passagères de trésorerie mais bien d’éviter des licenciements économiques pour protéger les compétences des salariés en maintenant leur contrat de travail au moyen de sa suspension.

A l’opposé, se situe l’entreprise qui n’avait jamais recouru au télétravail et qui à l’annonce du confinement a fermé ses établissements laissant depuis la totalité de ses salariés désoeuvrés.

Le bénéfice de l’activité partielle est bien évidemment de droit si son secteur est visé par un arrêté de fermeture ( restaurants, débits de boisson, établissements sportifs couverts …)

Pour les autres, l’employeur devra démontrer là encore quel impact concret a ou aura la circonstance exceptionnelle du covid-19 sur son activité.

En tout état de cause, il ne pourra pas expliquer avoir fermé ses portes en raison du confinement général requis auprès de la population à compter du mardi 17 mars 2020 à midi.

Il devra bien au contraire justifier d’un problème d’approvisionnement avec un fournisseur, d’annulation de commandes…pour justifier sa baisse temporaire d’activité. S’il n’a aucune explication d’ordre conjoncturel, il devra alors établir en quoi il ne pouvait pas mettre en place à l’intérieur de ses établissements les mesures indispensables de prévention à la santé de ses salariés telles que la distanciation sociale et autres mesures barrières.

A défaut, il s’expose à un sérieux retour de bâton. Certes l’administration par la voix de la Direccte a réduit de 15 jours à 48 heures son délai pour délivrer une autorisation rendant ainsi plus difficile son instruction préalable. Mais éviter en amont les fourches caudines administratives n’exonère pas à l’avenir de graves représailles.

En effet, la Direccte peut décider de retirer son autorisation délivrée de façon expresse ou tacite après ses 48heures de silence. Le droit pour la Direccte de retirer son autorisation pourra être excercé jusqu’au 25 août 2020. Passé ce délai l’entreprise se sera pas pour autant à l’abri d’un contrôle inopiné effectué par un contrôleur du travail zélé. Si l’administration considère que l’employeur a fraudé en recevant des aides publiques alors qu’il n’était pas éligible, ce dernier sera enjoint à les rembourser en totalité à l’Etat et sera en outre privé de toutes aides publiques à l’emploi et à la formation professionnelle pendant 5 ans. Enfin, lorsque la volonté de nuire à l’intérêt général sera identifiée, l’article 441-6 du code pénal punit de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros la perception des aides publiques obtenue de façon frauduleuse.

Pour dissuader des entreprises peu respectueuses d’utiliser les finances publiques dans l’intérêt général, le ministère du travail invite sur son site internet les salariés et les représentants du personnel à la dénonciation.